Exposition solo — Anahita Norouzi

 

L’exposition Jardin trouble : étude d’un enracinement d’Anahita Norouzi a eu lieu du 7 mai au 26 juin 2022 sous le commissariat de Bénédicte Ramade.

Photos : Anahita Norouzi

All our Relations, 2022. Installation vidéo deux canaux (images de surveillance, tapis, 3 bouteilles en verre, sel, poivre, golpar), dimensions variables.

 

Jardin trouble : étude d’un enracinement

Un texte de Bénédicte Ramade

 

« Invasive », le qualificatif sonne comme une déclaration de guerre. Il désigne ces plantes et ces animaux venus d’ailleurs et qui se sentent un peu trop à l’aise sur nos territoires jusqu’à supplanter la végétation et la faune locales. La berce de Perse, originaire d’Iran, comme Anahita Norouzi, serait de ces plantes non grata. Invitée dans le pays à la faveur d’engouements horticoles au milieu du 20e siècle, l’Heracleum Persicum n’est donc plus la bienvenue. Pourtant, dans la culture, la gastronomie et la pharmacopée perse, l’espèce est bienfaisante et délicieuse une fois récoltée en prenant garde aux effets secondaires de sa sève, photo-toxique pour la peau humaine. De telles propriétés gustatives et curatives sont partagées par la berce laineuse, espèce endémique et consommée par plusieurs Premières Nations.

« Jardin trouble » raconte la riche quête artistique de cette « mauvaise herbe » menée par l’artiste Anahita Norouzi lors de sa résidence à la Fondation. Cette longue traque l’a conduite à rencontrer une autre proche cousine, caucasienne celle-ci, l’Heracleum Mantegazzianum, bien mieux implantée au Québec. L’exposition suit ainsi de multiples routes migratoires, explore des récits et des objets de famille, analyse des effets de perceptions, consolide des liens diasporiques, afin de tisser des hospitalités perdues et d’en réinventer d’autres, en toute bienveillance botanique.

Depuis un herbier de plâtre qui conserve l’empreinte d’une représentante du Caucase (Remains, 2021), jusqu’à la réalité augmentée qui permet d’en faire pousser en toute innocuité quelques spécimens (Alien Blooms, 2022), le monde des berces se raconte en conviant l’imagerie scientifique, la géopolitique et diverses cultures. Les graines d’Heracleum Persicum ramenées d’Iran se retrouvent en ces murs délicatement figées dans des billes de verre aux mille nuances de bleu et forment une constellation (Constellational Diasporas, 2021). Broyées, elles se font aussi golpar, un condiment, dont Anahita Norouzi expose les ingrédients dans All our Relations, 2022. Autant d’éléments qui dessinent le portrait d’un enracinement, celui de ces deux ambassadrices d’une culture botanique fascinante et bien plus complexe qu’imaginée.

 

Constellational Diasporas, 2021. Installation (350 bulles de verre, 350 graines d’Heracleum persicum, résine, crochet fisheye), dimensions variables.

 

Untitled, 2022. Boîtes lumineuses, 119,38 × 80 cm.

 

Remains, 2021. Sculpture (11 panneaux de plâtre, 46 x 46 cm chaque), dimensions variables.

 

Au mur : Arid Florilegium, 2021. Impression jet d’encre, 166 × 45 cm.
Dans la table lumineuse : Collection d’artiste, 2022. Photos d’archives, graines, images microscopiques, diapositives, carte, couverture de livres et de catalogues.